25 ans de la prélature de l' Opus Dei

Voici un extrait du discours de mgr Xavier Echevarria, prélat de l’Opus Dei, sur le sens de l’érection canonique de l’Opus Dei en Prélature personnelle de l’Église catholique*.

mgr Xavier Echevarria, prélat de l’Opus Dei

L’acte pontifical par lequel était érigée la Prélature de l’Opus Dei, le 28 novembre 1982, avec l’exécution de la bulle, le 19 mars 1983, n’était rien de moins que la réalisation de tout ce que saint Josémaria, soutenu par d’innombrables personnes de tous les milieux, par les pauvres et les malades dès tous premiers débuts, avait demandé durant si longtemps à la Très Sainte Trinité, afin d’assurer l’efficacité du service pastoral et apostolique que l’Opus Dei était appelé à rendre, de par une volonté divine, au sein de l’Église. C’est ce que le souverain pontife se plut à souligner dès le début du texte de la Constitution Apostolique avec l’expression ut sit! (que cela soit), paroles que, pendant de longues années, le fondateur de l’Opus Dei avait quotidiennement adressées, en guise d’oraison jaculatoire à la Très Sainte Vierge : Domina, ut sit (Ô ma Souveraine, faites que cela soit !)

Pendant les premiers pas de la vie de l’Opus Dei, saint Josémaria ne fut pas pressé de demander à l’autorité compétente, un statut juridico-canonique pour la créature que Dieu avait fait germer en son âme le 2 octobre 1928. Certes, il comptait, dès le départ avec la bénédiction de l’évêque de Madrid-Alcala, l’inoubliable mgr Léopold Eijo y Garay, que notre fondateur informait constamment sur le déroulement de l’Œuvre. Mais, comprenant aussi, avec sa fine sensibilité juridique, que, dans la doctrine canonique en vigueur à l’époque, il n’y avait pas de vêtement adéquat pour l’Opus Dei, saint Josémaria préféra attendre et imprégner de prière, d’expiation et de travail cette attente nécessaire.

Il y a parmi, tant d’autres, des propos tenus en octobre 1966, lors d’une réunion de famille à Rome, qui disent bien comment il procédait. Peu de mois auparavant, le 6 août, le pape Paul VI avait promulgué le Motu Proprio Ecclesia Sanctæ qui, en application de certains décrets du Concile Vatican II, précisait la figure juridique des prélatures personnelles, ad peculiaria opera pastoralia perficienda (pour la réalisation de tâches pastorales spécifiques), que contemplaient les décrets Presbyterorum Ordinis, n° 10 et Ad gentes, n°20. Mgr Escriva tenait à souligner : « Tout d’abord il y a la vie, ensuite, il y a la norme » Et parlant explicitement de l’iter juridique de l’Opus Dei, il ajoutait : « Quant à moi, je ne me suis pas mis, dans mon coin, à penser à priori de quoi serait vêtu l’Opus Dei. Lorsque l’enfant est né, il a été habillé. C’est ce que fit Jésus qui, cœpit facere et docere (Ac 1, 1), agissait d’abord et enseignait après. Nous avons eu l’eau et nous avons tracé le canal tout de suite après. Il ne m’est jamais venu à l’esprit de creuser une rigole sans avoir eu l’eau préalablement. Dans l’Opus Dei, la vie a toujours devancé la forme juridique. Aussi, la forme juridique doit-elle être comme un costume sur mesure » (Saint Josémaria Escriva, propos tenus lors d’une réunion de famille, le 24 octobre 1966).

Dix-sept ans après, ce costume sur mesure est arrivé, par la miséricorde de Dieu et grâce à l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, avec la promulgation de la Constitution Apostolique Ut sit. Or, depuis 1935, alors que le développement du travail apostolique le poussait à s’investir dans d’autres villes et dans d’autres pays, saint Josémaria avait déjà in mente, dans son esprit, la conviction que la solution juridique adaptée à la réalité ecclésiale de l’Opus Dei se situait dans la ligne de la juridiction personnelle.

Ce fut le long iter juridique : un itinéraire qui n’a pu faire que traverser des régions inexplorées, puisqu’il n’y avait pas de chemin totalement conforme au charisme reçu par le fondateur de l’Opus Dei. Il fut, ô combien, surpris par ce commentaire d’un haut dignitaire ecclésiastique qu’entendit mgr Alvaro del Portillo, arrivé à Rome, à sa demande, en 1946 pour accélérer l’approbation pontificale de l’Opus Dei : Vous êtes arrivés avec un siècle d’avance. Or, on ne pouvait pas plus attendre. Quelques années plus tard, en pensant à cela, saint Josémaria écrivit : « L’Œuvre semblait une nouveauté aux yeux monde et de l’Église. La solution juridique que je cherchais, paraissait impossible. Cependant, mes filles et mes fils, je ne pouvais pas attendre que les choses fussent possibles (…) Il fallait tenter l’impossible. Des milliers d’âmes me pressaient qui se vouaient à Dieu dans son Œuvre, avec la plénitude du don qui nous est propre, pour faire de l’apostolat au cœur du monde » (Saint Josémaria, Lettre du 25 janvier 1961, n° 19).

En effet, fruit de l’activité sacerdotale de saint Josémaria, des milliers de personnes de toutes les conditions sociales et sans changer d’état civil, se sentaient appelées par Dieu à vivre la vocation chrétienne, en toute sa radicalité : chercher l’identification au Christ et diffuser l’appel universel à la sainteté et à l’apostolat parmi des personnes de tout bord. Et ce, avec un esprit spécifique, celui que Dieu avait communiqué au fondateur de l’Opus Dei le 2 octobre 1928. Un esprit qui apprend à chercher le Christ, à le trouver, à le fréquenter et à le faire connaître dans les circonstances communes de l’existence, tout concrètement dans le travail professionnel et dans l’accomplissement des devoirs ordinaires.

Aujourd’hui, l’Église a pris profondément conscience que tous les fidèles sont pareillement appelés à la perfection de la charité, mais à l’époque, dans les années trente et quarante, les choses allaient tout autrement. Le message du fondateur de l’Opus Dei trouvait des obstacles qui plongeaient leur racine dans la doctrine canonique en vigueur, reflet de l’esprit dominant : les temps du Concile Vatican II étaient encore bien loin. L’intuition surnaturelle de saint Josémaria s’appuyait sur la tradition de l’Église la plus originelle puisqu’elle était contenue dans l’Évangile. Il venait dire au fidèle courant, au laïque et au prêtre : c’est là, à ta place, sans quitter ton milieu, que le Seigneur t’appelle à vivre la vocation chrétienne en plénitude ; avec ton travail professionnel, grâce à l’accomplissement de tes devoirs d’état, tu travailles à informer la société entière de la lumière et de la sève du Christ. Une vie courante, offerte à Dieu, porte toujours ses fruits.

L’esprit et le message de saint Josémaria sont désormais, et depuis de longues années, une réalité vivante au sein de l’Église et dans la vie personnelle de nombreux chrétiens, qui, grâce à l’effort fait pour les diffuser et les mettre en pratique, contribuent à l’évangélisation constante de la société civile.

Je suis poussé par le devoir filial de manifester, encore une fois, au nom de tous les fidèles de la Prélature et en mon nom personnel, la profonde reconnaissance envers le saint-père Jean-Paul II, pour la compréhension et les soins de Bon Pasteur qui ont rendu possible la solution institutionnelle adéquate de l’Opus Dei.

En cette commémoration, il est logique d’évoquer la figure de mgr Alvaro del Portillo, qui a eu le bonheur et la responsabilité —onus et honor— de mener à bout l’heureuse conclusion des désirs du fondateur : la consécution du statut de prélature pour l’Opus Dei, en tant que figure juridique spécialement en accord avec son charisme et son inspiration originels. En effet, comme le dit le saint-père dans la Constitution Apostolique Ut sit :

« Depuis que le Concile oecuménique Vatican II a introduit dans l'organisation de l'Église le type des prélatures personnelles pour la réalisation de tâches pastorales particulières (…) il est apparu que celui-ci s'adaptait avant tout à l'Opus Dei, en tant qu’organisme apostolique, composé de prêtres et de laïcs, hommes et femmes, et qui est en même temps organisé et unitaire - unité d'esprit, de but, de gouvernement et de formation spirituelle » (Jean-Paul II, Const.apost. Ut Sit, 28 novembre 1982, prœmio – AAS 75 [1983] 423-).

Le temps nous manque ici pour illustrer la fidélité à l’esprit et aux instructions du fondateur qui a poussé don Alvaro à la réalisation de cette tâche, la force avec laquelle il a défendu la nature propre de l’Opus Dei ; la constance et la patience avec lesquelles il a parcouru un chemin plein d’embûches.

Je voudrais finir en implorant encore une fois le secours de la Très Sainte Vierge Maria, Mère de l’Église, Mère de l’Opus Dei, afin que par son intercession, elle continue de protéger cette portion du Peuple de Dieu (…). C’est ainsi que l’espérance de l’Église ne sera pas déçue car, comme le précise le prœmio de la Constitution Apostolique Ut Sit, elle « prodigue ses soins maternels et attentifs à l’Opus Dei, afin qu’il soit toujours un instrument apte et efficace dans la mission salvifique que l’Église entreprend pour la vie du monde » (Jean-Paul II, Const.apost. Ut sit, 28 novembre 1982, prœmio –AAS 75 [1983] 423 -).

*Discours du prélat lors de l’acte académique sur la Const.ap.Ut Sit à l’Athénée Pontifical de la Sainte-Croix, Rome, le 1er avril 1998, publié dans Romana, n° 26 (https://www.romana.org/art/26_3.5_2)