En train de dialoguer avec tout le monde

‘Jésus dit à la foule toutes ces choses en paraboles’ (Lc 13, 34). Le Seigneur ne limite pas son dialogue à un petit groupe, restreint : il parle à tout le monde.

Jésus dit à la foule toutes ces choses en paraboles (Lc 13, 34).

Le Seigneur ne limite pas son dialogue à un petit groupe, restreint : il parle à tout le monde. Aux saintes femmes, à de véritables foules ; à des représentants des classes élevées d’Israël comme Nicodème, ou à des publicains comme Zachée ; à des gens considérés comme pratiquants et à des pécheurs, comme la Samaritaine ; à des malades et à des bien portants ; aux pauvres, qu’il aimait de tout son cœur ; aux docteurs de la loi et aux païens, dont il loue la foi par-dessus celle d’Israël ; à des vieillards et à des enfants.

Jésus ne refuse sa parole à personne, et c’est une parole qui guérit, qui console, qui illumine. Que de fois j’ai médité, et fait méditer, ce style apostolique du Christ, humain et divin à la fois, fondé sur l’amitié et la confidence !

Rappelez-vous sa conversation avec la Samaritaine. Quelle merveille dans la façon de parler du Christ ! Il sait dire les choses de telle manière que cette femme, qui était pécheresse, se mette à proclamer la vérité : Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait ; ne serait-ce pas le Christ ? Ils sortirent de la ville, et vinrent à lui. Oui, mes filles et mes fils, le dialogue du Christ n’est pas un jeu de feux follets, ni un exercice mental vain ; c’est une parole de vérité qui enflamme et brûle du feu divin.

Jésus parle toujours avec amour. Il éprouve de la compassion pour la douleur de la veuve de Naïm, de la misère pour les lépreux ; il a pitié, surtout, du pécheur. Jésus est expert en délicatesse, en parole d’encouragement ; il sait répondre à l’amitié par l’amitié : quelles conversations il a à Béthanie, avec Lazare, Marthe et Marie !

Mais Jésus sait aussi être exigeant, il sait placer les hommes en face de leurs devoirs, en prenant le risque de ne pas être entendu. Voyez comment le cœur du Christ se manifeste envers le jeune homme riche, qui s’approche un jour de lui : Jésus le regarde avec affection, tout en lui demandant de se détacher des richesses. Qui contristatus in verbo abiit merens. Cet adolescent s’en va tout triste, car, quand on ne l’accueille pas, la parole de Dieu devient amère comme le fiel.

Par conséquent, il ne suffit pas de parler ; il faut agir, il faut mettre en pratique l’enseignement reçu ; autrement, le dialogue — y compris le dialogue avec Dieu — n’est pas fécond, car « ce ne sont pas ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur , qui entreront dans le royaume des cieux, mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux .

Jésus n’est pas animé par des considérations d’une fausse prudence, ni par une délicatesse mensongère, qui l’amènerait à arrondir les angles de la vérité. Il accepte même de s’entretenir avec les pharisiens, qui venaient le voir ut caperent eum in sermone, pour l’attaquer en se servant des paroles qu’il prononçait. Mais il n’hésite pas à leur dire la vérité, à appeler par son nom ce qui n’a pas d’autre nom : Race de vipères, leur lance-t-il, comment pourriez-vous dire des choses bonnes, méchants comme vous l’êtes ? D’autres fois, c’est lui qui engage le dialogue, alors que personne ne l’a interrogé. Jésus parle parce qu’il voit le besoin de donner de la doctrine, parce qu’il se sent dans l’obligation de corriger une mentalité compliquée : Simon, habeo tibi aliquid dicere, Simon, j’ai quelque chose à te dire… Jésus n’use pas du dialogue comme d’une concession qui falsifie la vérité.

Il est disposé à parler à tout le monde, même à ceux qui ne veulent pas connaître la vérité, comme Pilate : Tu dixis quia rex sum ego. Ego in hoc natus sum et ad hoc veni in mundo, ut testimonium perhibeam veritati : omnis qui est ex veritate audit vocem meam. Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité : quiconque est de la vérité écoute ma voix. Mais, quand c’est le moment, il parle sans euphémisme, même crûment, et agit parfois avec dureté : Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du Temple. Ne pensez pas que notre Seigneur soit un Dieu colérique. Il est mitis et humilis corde, doux et humble de cœur. Mais il sait que le cœur de l’homme est parfois dur comme du bronze, et que seul le feu peut le faire fonde : le feu de l’amour, le feu de la vérité, le feu de la mission reçue du Père. C’est pourquoi le moindre signe de bonne volonté, de désir de connaître ce qui est authentique, lui suffit à se prodiguer pour éclairer, pour bénir, pour louer .

Lettre du 24 octobre 1965, dans Studi Cattolici, nn. 293/294 (1985)