Homélie du Prélat de l’Opus Dei en la fête de saint Josémaria Escriva, à Rome, 2011

Les textes liturgiques de la Messe de saint Josémaria, résument les points fondamentaux de l’esprit de l’Opus Dei: « Proclamer la vocation universelle à la sainteté et à l’apostolat », comme des fils de Dieu, au cœur de notre travail professionnel et dans les circonstances de notre vie ordinaire pour « servir d’un ardent amour l’œuvre de la Rédemption », grâce à un travail apostolique personnel d’amitié et de confidence.

Chers frères et soeurs,

L’anniversaire du départ au Ciel de saint Josémaria coïncide cette année avec la Fête-Dieu, nous avons donc avancé d’un jour la célébration liturgique de sa fête.

Cette circonstance nous permet sans doute de mieux nous préparer pour la grande solennité de demain. Notre Père s’y préparait avec un grand amour et il continuait de la célébrer les jours suivants, durant l’octave que la liturgie prévoyait à l’époque, en adorant Jésus dans le Très Saint Sacrement, en le remerciant d’être resté parmi nous sous les espèces eucharistiques, en réparant pour les offenses qu’on lui fait et en priant pour le Pape, pour l’Église, pour le monde entier.

Je vous invite à vous unir à ces sentiments qui comblaient l’âme de saint Josémaria quand il était physiquement parmi nous. Ayons recours à son intercession afin qu’il obtienne de la Sainte Trinité pour nous la grâce d’être vraiment des âmes eucharistiques : des femmes et des hommes qui s’investissent vraiment pour que la Sainte Eucharistie soit, jour après jour, le centre de leur travail, de leurs aspirations et de leur existence toute entière.

Je me réjouis aussi profondément de célébrer l’anniversaire de la première ordination sacerdotale de fidèles de l’Opus Dei : mgr Alvaro del Portillo, don José Maria Hernandez Garnica et don José Luis Muzquiz. La cause de canonisation des trois est en cours. Ayons recours de façon privée à ces trois premiers prêtres de l’Œuvre pour qu’ils intercèdent pour chacun de nous.

Au service de l’œuvre de la Rédemption

Les textes liturgiques de la Messe de saint Josémaria, résument les points fondamentaux de l’esprit qu’inspiré par Dieu il commença à diffuser à partir du 2 octobre 1928. La prière de la collecte les résume bien : « Proclamer la vocation universelle à la sainteté et à l’apostolat », comme des fils de Dieu, au cœur de notre travail professionnel et dans les circonstances de notre vie ordinaire pour « servir d’un ardent amour l’œuvre de la Rédemption », grâce à un travail apostolique personnel d’amitié et de confidence. J’aimerais aujourd’hui m’arrêter sur ce dernier aspect, en considérant la scène de la péche miraculeuse dont nous venons d’entendre le récit.

Comme les premiers

Dans ce passage de l’Évangile qui nous rapporte l’appel à l’apostolat des premiers disciples de Jésus-Christ, l’on découvre le modèle exemplaire de la vocation apostolique des fidèles chrétiens que le Seigneur cherche au cœur de leur profession. Déjà dans les années trente, saint Josémaria écrivait dans Chemin: Ce qui t’émerveille me semble, quant à moi, raisonnable. Dieu est donc allé te chercher dans l’exercice de ta profession ? C’est bien ainsi qu’il chercha les premiers : Pierre, André, Jean et Jacques, près de leurs filets et Matthieu, assis au banc des percepteurs...

(Saint Josémaria, Chemin, n. 799).

Comme le bon père de famille dont parle Jésus (cf. Mt 13, 52), saint Josémaria sut tirer de nouvelles lumières de la Parole de Dieu et montrer comment on pouvait aspirer à la sainteté dans la vie ordinaire, tel que Benoît XVI en parle dans son exhortation apostolique Verbum Domini (Cf. Exhort. apost. Verbum Domini, 30 septembre 2010, n. 48). En même temps, la prédication de saint Josémaria empruntait le sillon ouvert par les Pères de l’Église. Saint Augustin, lorsqu’il commentait cette scène évangélique, affirmait déjà que les Apôtres « avaient reçu de Jésus les filets de la Parole de Dieu et les avaient lancés dans le monde, comme dans une mer profonde pour y ramasser le grand nombre de chrétiens qui font notre étonnement » (Saint Augustin, Sermon 248, 2). Saint Cyrille d’Alexandrie ajoutait que « les filets sont toujours lancés aujourd’hui lorsque le Christ appelle à la conversion ceux qui, selon la parole de l’Écriture, sont en pleine mer, c’est-à-dire au milieu de la tempête houleuse des affaires de ce monde » (Saint Cyrille d’Alexandrie, Commentaire de l’évangile de saint Luc, homélie 12).

Nous devons, à notre tour, poursuivre cette pêche divine, en obéissant à l’injonction de Jésus, sous la conduite de Pierre qui est le patron de la barque. Les fruits seront aussi copieux aujourd’hui que jadis : ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient (Lc 5, 6).

Avec l’assurance de la foi

Il se pourrait que parfois, comme nous le faisait voir notre Père, nous nous disions que tout cela est très beau, mais utopique, un rêve irréalisable. La mer du monde où nous vivons est si déchaînée! Rejetons immédiatement cette pensée si elle nous traversait l’esprit et demandons au Seigneur d’augmenter la foi en nous, en ayant l’assurance absolue que nos rêves seront comblés par les merveilles de Dieu (Saint Josémaria, Quand le Christ passe, n. 159). La solennité de la Pentecôte que nous avons célébrée il y a deux semaines, nous montre bien que pour Dieu il n’y a pas d’impossibles : Il comblera nos filets de fruits si de notre côté nous avons recours d’abord aux moyens surnaturels, la prière, la mortification, le travail réalisé avec perfection humaine et surnaturelle, et si nous tirons profit de toutes les occasions qui se présentent à nous pour approcher les âmes de Dieu.

Considérons l’attitude de Simon Pierre. Après son doute initial, lui qui s’était efforcé de pêcher toute la nuit durant sans rien prendre, fait confiance au Seigneur : sur ta parole, je jetterai mes filets (Lc 5, 5). Et le miracle a lieu. Benoît XVI dit que « Pierre ne pouvait pas encore imaginer qu'un jour, il serait arrivé à Rome et aurait été ici "pêcheur d'hommes", pour le Seigneur. Il accepte cet appel surprenant, de se laisser entraîner dans cette grande aventure: il est généreux, il reconnaît ses limites, mais il croit en celui qui l'appelle et suit le rêve de son coeur. Il dit oui - un oui courageux et généreux -, et devient le disciple de Jésus (Benoît XVI, Discours de l’audience générale du 17 mai 2006).

Il en est de même pour nous si nous écoutons le Seigneur et mettons en pratique ce qu’il nous dit, comme notre Père aimait à le paraphraser :

Si vous me suivez, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ; vous serez efficaces et attirerez les âmes vers Dieu. Nous devons donc faire confiance à ces paroles du Seigneur : rentrer dans la barque, empoigner les rames, hisser les voiles et se lancer dans cette mer du monde que le Christ nous remet en héritage. Duc in altum et laxate retia vestra in capturam! (Lc 5, 4): prenez le large et jetez vos filets pour la pêche. (Saint Josémaria, Quand le Christ passe, n. 159).

La conduite de saint Pierre, qui fait plus confiance à Jésus qu’à son expérience personnelle, est un enseignement précieux pour tous. En effet « nous aussi, nous avons le désir de Dieu, nous aussi, nous voulons être généreux, mais nous aussi, nous attendons que Dieu soit fort dans le monde et transforme immédiatement le monde selon nos idées, selon les besoins que nous constatons ». (Benoît XVI, Discours de l’audience générale du 17 mai 2006).

Avec ces propos, Benoît XVI nous met en garde contre la seule chose qui pourrait aboutir à l’échec le plus complet : déposer la confiance seulement ou essentiellement en nos possibilités, en nos efforts humains, en négligeant le recours aux moyens surnaturels.

Ce serait une grave erreur car d’habitude le Seigneur « choisit une autre voie. Dieu choisit la voie de la transformation des cœurs dans la souffrance et dans l'humilité. Et nous, comme Pierre, nous devons toujours nous convertir à nouveau ». (Benoît XVI, Discours de l’audience générale du 17 mai 2006).

Reine des Apôtres

Saint Josémaria nous encourageait à prier la Très Sainte Vierge, Reine des Apôtres, afin que les filets, à savoir notre travail professionnel, nos initiatives, personnelles ou en collaboration avec d’autres, se remplissent d’efficacité au service de l’Église. Qu’Elle nous apprenne « à vivre de foi ; à persévérer avec espérance ; à être collés à Jésus ; à l’aimer pour de vrai, vraiment, vraiment ; à parcourir et à savourer notre aventure d’Amour, puisque nous sommes amoureux de Dieu ; à permettre que le Christ entre dans notre pauvre barque et prenne possession de notre âme, en Maître et Seigneur » (Saint Josémaria Amis de Dieu, n. 22.)

Rome, Basilique Saint-Eugène, 25 juin 2011